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Cognition et action - Page 2

  • Le mythe de l’intériorité

    Pourquoi les gens sont-ils tellement portés à croire que l’exécution intelligente d’une opération quelconque doit comporter deux processus, l’un pratique et l’autre théorique ? Cette interrogation qui suppose que dans chaque action à lieu un processus en parallèle qui se déroule à l’intérieur, est une des composantes de ce qu’on appelle le mythe des processus mentaux.

    Le partage fondamental entre l’intérieur et l’extérieur, qui s’instaure à partir de la philosophie cartésienne, a fait naître cette idée d’une intériorité mentale, et a contribué à l’instauration du concept moderne d’esprit.

    Cette conception de l’activité mentale comme processus interne, sous-jacent et par définition distinct de l’ordre public de la signification porté par le langage et le comportement, s’est trouvée explicitement contestée très tôt par Spinoza, mais aussi par les philosophies de James, Peirce, Dewey, Mead et bien d’autres.

    Il s’agit donc de contribuer à cerner les conditions théoriques d’une compréhension de l’activité de pensée/agir au-delà de l’opposition classique de l’intérieur et de l’extérieur, mais également à distance de toute tentative de localisation cérébrale du mental.

    Le but est de mettre en perspective les conceptions qui – comme l’énaction - récusent l’identification des phénomènes dits « mentaux » à des événements internes et d’en éprouver leurs arguments et l’usage auprès des acteurs du sport

  • Les fondements raciaux de la psychiatrie américaine

    Note de lecture d’Hervé Guillemain, « Les fondements raciaux de la psychiatrie américaine », La Vie des idées, 28 octobre 2010. ISSN : 2105-3030 concernant l’ouvrage de Jonathan M. Metzl, The Protest Psychosis. How Schizophrenia Became a Black Disease, Beacon Press Books, 2010, 288 p. 

     « En 2005, le Washington Post a publié une enquête de chercheurs montrant que la schizophrénie affecte indifféremment l’ensemble des groupes ethniques des États-Unis. Pourtant les psychiatres des années 1980 et 1990 surdiagnostiquent cette pathologie chez les Afro-Américains : on compte cinq fois plus de schizophrènes que dans les autres groupes ethniques. Pour les psychiatres américains, le facteur racial semble toujours primer sur le facteur social et individuel dans la genèse de ce trouble. Jonathan Metzl reconstitue à travers ce livre l’histoire de cette construction raciale de la maladie mentale au XXe siècle.

     Il n’en reste pas moins que ce livre, au croisement des notions de race et de genre, contribue de manière remarquable à renouveler l’histoire de la psychiatrie. Il montre, sans nier l’existence des pathologies, la manière dont celles-ci répondent à une forme de construction sociale et culturelle évoluant au gré des événements politiques et des évolutions sociales. L’ouvrage est aussi une invitation salutaire à dénoncer les interprétations réductrices des maladies mentales et à prendre en compte la clinique et la culture autant que les explications biologiques et mécaniques, si bien représentées dans la nouvelle psychiatrie américaine »

    Toujours pour avancer la nécessité de prendre ensemble "épistémique - pragmatique - éthique" voila bien un ouvrage qui incite la psychologie/psychiatrie à sortir de son solipisme originel. La question est toujours de comprendre comment les instruments et techniques destinés à produire de la connaissance contraignent en eux-mêmes, la connaissance produite : cf. la note de lecture colonne de gauche


  • Comprendre « le projet » sportif dans sa complexité, c’est aujourd’hui développer de nouveaux instruments de pensée

    Souvent « Le programme », « le plan » « la méthodologie » de l’entraînement sont conçus comme une commande ou une prescription normative qui s'exerce en direction du travail des entraineurs

    – Postulats de la prévisibilité du futur grâce à la quête des bons moyens à mettre en œuvre dans un environnement postulé stable

    – Acceptation d'une « commande normée » linéaire, simple et rationnelle, postulant un raisonnement cognitif de type fin-moyens et une causalité linéaire : cause (l'intervention)  - effets (les objectifs de l’entraînement), et une action articulée à des décisions délibérées et logiques (définir des situations, diagnostiquer des difficultés, concevoir et proposer des remédiations, etc.).

    Ce faisant le travail des entraîneurs est envisagé comme une activité « simple », rationnelle, logique, transparente, facilement accessible à la compréhension : une cohérence construite autour de l’idée de « l'homme seul aux commandes » et de l’existence d’« one best way »

    - Par exemple, l’analyse SWOT de l'anglais Strengths (forces), Weaknesses (faiblesses), Opportunities (opportunités), Threats (menaces), en langue française « Atouts Faiblesses Opportunités Menaces » qui est souvent cité comme un outil permettant de déterminer les options stratégiques envisageables au niveau d'un domaine d'activité. Cette vision très rationaliste des années 50/60 est évidemment de plus en plus discutée. Pourquoi ?

    L’activité sportive se déroule dans des environnements instables :

    Prééminence de la variable temporelle : les domaines dont il est question sont dynamiques ; ils évoluent continuellement, avec ou sans intervention humaine. La contrainte temporelle peut jouer à deux niveaux le premier est celui de la pression qu'elle exerce sur les délais de décisions ; la seconde est celui des délais qu'elle impose avant que les effets d'une action ne soient visibles en raison des délais de réaction du processus.

    Les acteurs responsables de leur fonctionnement ne peuvent pas eux-mêmes exercer une supervision totale. Le concept « d'intrasparence » rend bien compte de cet état de fait : ce qui devrait être visible ne l'est pas. Cet état de fait est autant dû à des objectifs et des tâches mal définies qu'à l'impossibilité d'appréhender l'ensemble des réactions et des états possibles du processus à contrôler.

    L'existence au sein même des processus à contrôler de logiques divergentes, non hiérarchisées et souvent interdépendantes. Ce fait peut être vu comme une définition de la complexité qui peut être comprise comme une propriété intrinsèque du système mais aussi comme subjective et liée aux compétences des personnes chargées du pilotage de l’entraînement. Dans tous les cas, ceci implique que pour chaque situation plusieurs solutions satisfaisantes soient envisageables.

    En fait, les propriétés des environnements instables condamnent le pilotage de l’entraînement à un contrôle partiel du système et font du pilotage en grande partie un « art d'utiliser les circonstances » au moins autant qu'une application neutre et distanciée de normes et protocoles techniques. Les acteurs sont en permanence en train de faire des arbitrages entre les règles à appliquer et la façon de les interpréter selon les contingences du système.

    Toujours décidé à aborder chaque question « pratique » sous l'angle de la complexité Cf. le doc colonne de gauche

  • Les points aveugles de la psychologie occidentale

    Notre action auprès des acteurs sportifs est basée sur l'expérience et la connaissance - l'une éclairant l'autre - et se pose donc la question de la construction des connaissances susceptibles de guider nos interventions. Nous écrivions dans un texte précédent que « La question est bien de comprendre comment les instruments et techniques destinés à produire de la connaissance contraignent en eux-mêmes, la connaissance produite ». D'où l'importance d’une réflexion continue en ce domaine comme le texte ci-dessous y invite. (Issu de JP. Basquiat In revue Automate Intelligent n° 93) et d’une lecture de François Jullien – entre autres - illustrant ce « décalage » culturel (Jullien F. 2009. Les transformations silencieuses. (Chantiers 1). Paris : Grasset.

    " Dans un court entretien publié par La Recherche (septembre. 2010, p. 26 : http://www.larecherche.fr/), Jean Louis Beauvois, professeur émérite de psychologie sociale à l'université de Nice, commente une étude canadienne dont la portée nous paraît être encore plus importante qu'il ne le dit. Cette étude (texte dans la colonne de gauche : J. Henrich et al, BBS, 33, 61, 2010) souligne le biais expérimental (défaut méthodologique) caractérisant les publications internationales en psychologie. Celles-ci seraient réalisées à 96% par des laboratoires occidentaux, essentiellement nord-américains. Pour eux, l'individu type, servant de sujets à ces études, est de race blanche, masculin et issu d'un milieu relativement favorisé (i.e. Western, Educated, Industrialized, Rich, and Democratic - WEIRD - societies)

    Il s'ensuit que cet individu, statistiquement, est empreint de libéralisme et d'individualisme, valeurs autour desquelles veulent (ou prétendent) se construire les sociétés occidentales, que ce soit au plan économique ou au plan de l'organisation sociale. Un tel modèle représenterait ainsi la réalisation la plus parfaite de l'humanité. Par sociétés occidentales, on entendra principalement les sociétés anglo-saxonnes, mais aussi les sociétés européennes très dominées par l'américanisme. Cette dépendance nous rend aveugle à la façon dont plusieurs milliards d'humains n'étant pas ressortissants de ces sociétés occidentales se construisent effectivement.

    Jean-Louis Beauvois parle à juste titre à cet égard de « biais  civilisationnel ». Les études menées sur des élèves ayant baigné dans une culture occidentale montrent, dit-il, que les élèves les plus développés sont aussi les plus autonomes. Or ce trait n'est pas universel. L'enfant oriental élevé dans une culture confucianiste se développe en direction de l' «harmonie avec autrui». Il en découle des valeurs qui nous sont quelque peu étrangères. Mais il existe peu de telles études. Les Occidentaux dominent la recherche en psychologie et ont du mal à renoncer à leur position dominante. Certaines écoles asiatiques commencent cependant à vouloir considérer la psychologie occidentale comme une psychologie indigène, à comparer à celles s'intéressant à d'autres parties du monde.

    Nous pensons pour notre part que des recherches en psychologie sociale se voulant aussi scientifiques que possible devraient effectivement élargir leurs bases de références. Cela ne devrait pas conduire les Occidentaux, et pour ce qui nous concerne les Européens, à l'abandon des valeurs sociales par lesquelles ils pensent devoir se distinguer des autres sociétés: l'autonomie des individus, l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment. Mais cela leur permettrait de mieux comprendre comment réagissent, en bloc ou individuellement, des populations auxquelles, avec la mondialisation, ils seront de plus en plus confrontés.

    Des psychologues occidentaux ont déjà essayé de comprendre la mentalité de ce que l'on nomme les combattants-suicides. On peut craindre que leurs méthodes actuelles d'analyse n'y parviennent pas. Mais il est des phénomènes de plus grande ampleur qui devraient aussi être étudiés avec des méthodes nouvelles. Nous avons indiqué dans un précédent article (voir ci-dessus : Une grande divergence à l'envers ?) que l'actuel développement économique et politique de la Chine, pouvant conduire ce continent-Etat à rattraper les Etats-Unis dans quelques décennies, ne repose certainement pas sur les seules valeurs du capitalisme libéral et de la course au profit individuel affichées par les Etats-Unis et dont pourtant les Chinois semblent s'inspirer. Des mobiles profonds et non encore compris pourraient pousser les populations chinoises, malgré leurs difficultés actuelles, à se mobiliser en groupe pour faire face aux compétitions avec l'extérieur, d'une façon que nous percevons mal.

    Parmi ces mobiles se trouvent certainement, comme le souligne Jean-Louis Beauvois, des processus cognitifs inconscients hérités du monde animal, comme celui d'obéir à une norme collective. Ainsi les troupeaux de buffles en liberté font preuve à l'occasion d'une véritable intelligence répartie dont les individus ne sont (sans doute) pas conscients d'être le siège. Concernant des comportements cognitifs plus élaborés, il est certainement indiscutable que les individus composant les sociétés asiatiques, empruntes de confucianisme ou de philosophies analogues, puissent réagir sur un mode groupé, à la fois inconsciemment et consciemment, d'une façon que la psychologie anglo-saxonne nourrie du mythe de l'individu souverain ne serait pas encore capable de comprendre.

    Il serait donc temps que les Européens, pour leur part, apprennent à mieux comprendre ceux auxquels ils ont affaire, ne fut-ce que pour réagir autrement que par la panique aux menaces que ces derniers pourraient représenter. Ce faisant, ils pourraient aussi apprendre à mieux se comprendre eux-mêmes, car il paraît avéré que les sociétés européennes n'ont jamais entièrement adopté le modèle de l'individu mythique autour duquel s'est construit l' « American Dream » tel que diffusé par les médias "

  • Une psychologie de l’imprévisible ?

    Votre expérience d’athlète vous amène surement à conclure que l'imprévisible est une composante majeure du sport de haut niveau : il semble que vous pourriez citer maints exemples issus de votre activité sportive argumentant ce constat.

    Il nous faut alors signifier le paradoxe suivant : les événements compétitifs sont longuement préparés et soigneusement planifiés tout en étant partiellement imprévisibles à la fois quant à leur déroulement et leur résultat. La compréhension et l’explication de cette dualité apparait indispensable pour penser les actions que l’on peut avoir auprès des sportifs, des « staffs » et des dirigeants.

    Faute d'interrogations sur leurs outils théoriques et le discours du sens commun, les chercheurs en sciences humaines et sociales ont tendance à ignorer cet aspect de la vie sportive – et sociale d’ailleurs -, et à faire comme si les situations qu'ils analysent étaient stables, prévisibles, sous l'effet de tendances structurelles ou de la volonté des acteurs.

    Cette présentation cherche à initier une réflexion permettant de donner une place à l'imprévisible dans nos actions quotidiennes et à échapper ainsi à un schéma binaire dans lequel les situations sont vues soit i) comme totalement imprévisibles et sur lesquelles les entraineurs n’auraient aucune prise : ii) comme totalement prévisibles et susceptibles alors de relever de prescriptions de différentes natures pour les contrôler, par exemple de nature psychologique tel que les préparateurs mentaux l’envisagent (cf.  http://archiveouverte.campus-insep.net:81/archimede/ExploreOneUpload.do?vref=1025&fromsimpeadvancedsearch=true

    Toutes ces réflexions plaident en faveur d’une idée : il n’est pas possible de concevoir l’interaction comme l’action de l’un (par exemple, le préparateur du mental qui se fie aux méthodes et aux techniques qu’il a appris) sur un autre (l’athlète/les athlètes qu’il faut éclairer et guider vers la performance) car ce que l’on observe est toujours une élaboration conjointe de la démarche : toute intervention/action en direction de l’athlète s’accomplit dans la dynamique d’une relation qui naît dans une situation particulière, qui se constitue pas à pas dans des échanges qui s’inscrivent dans une temporalité, et sont donc soumis à une incertitude qu’il s’agit de lever dans le cours même du déroulement de ces échanges : ce qui est généré, génère à son tour ce qui le génère : imprévisible alors ?

    cf. Saisir la question de la contingence et de l'imprévisbilité de l'action

  • Dossier Thématique "SHN et cognition" dans la revue Intellectica

    Ce dossier thématique propose une lecture synthétique des rapports entre sport de haute performance et sciences de la cognition au cours des dernières décennies.

    En questionnant d’emblée la vision computationnaliste et représentationa­liste des phénomènes de l’action experte en sport de haute performance, ce dossier thématique interpelle les approches cognitives communément admises en sciences du sport pour rendre compte de la performance. S’interrogeant sur le postulat fonctionnaliste de l’identité faible ou occasionnelle entre états mentaux et états neurophysiologiques qui conduit à affirmer que la cogni­tion peut être étudiée indépendamment de considérations concernant le cerveau, le corps et l'environnement, les auteurs de ce dossier thématique sont sensibles aux critiques avancées envers cette vision de la cognition de la part des approches dynamique, incarnée, située, et énactive, à savoir : i) que les processus cognitifs ne sont pas nécessairement centralisés, soit au niveau du cerveau soit au niveau du sujet isolé ; ii) que la cognition, et la perception en particulier, ne se borne pas à la représentation d’un monde préconstitué ; iii) que la perception et la cognition en général ne peuvent pas être considérées en dehors du cadre de l’action et du mouvement. La thèse de l’isolationnisme cognitif apparaît avoir eu comme conséquence de se focaliser sur les phénomènes perceptivo-moteur conduisant à l’oubli de facteurs cru­ciaux qui sont nécessaires à la compréhension du fonctionnement et du développement des compétences en sport de haut niveau, i.e. : i) la manière dont les organismes sont incorporés, et ii) la façon dont cette forme incorporée simultanément contraint et prescrit certaines interactions dans l'environnement.

    Ces réflexions ouvrent la voie à de nouveaux développements pour envisager comment les sciences cognitives peuvent-elles aider à rendre plus intelligible les phénomènes du sport de performance. Et en retour, quelles questions le sport de performance, en particulier au regard de l’action/agi « incorporé », pose-t-il aux sciences cognitives ?

    Sport de haute performance et cognition. Introduction: « Je vois la balle avec mes mains » Philippe Fleurance, Unité Etudes, Ingénierie  et Innovation, Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance (INSEP)

    Vers une nécessaire prise en compte de la complexité : Variabilité et fractalité dans la motricité rythmique. Didier Delignières & Kjerstin Torre, EA 2991 Efficience et Déficience Motrice, Faculté des Sciences du Sport et de l'Education Physique, Université Montpellier I

    Substrats Neuronaux Impliqués dans la Perception des Actions d’Autrui. Quels Enjeux pour le Milieu Sportif ? Claire Calmels, Mission recherché, Institut National du Sport, de l’Éxpertise et de la Performance (INSEP)

    Cognition et performance collectives en sport Carole Sève (*), Jérôme Bourbousson (*,) Germain Poizat (**), Jacques Saury (*) - Université de Nantes Atlantique (*),  **Université de Bourgogne (**)

    Activité et performances acrobatiques de haut niveau. Denis Hauw, EA 4206 Conduites Addictives, de Performance et Santé, Faculté des Sciences du Sport et de l’Education Physique, Université Montpellier I

    Sport, réalité virtuelle et conception de simulations participatives. Illustration dans le domaine du football avec le simulateur CoPeFoot. C. Bossard (**), G. Kermarrec (*), P. De Loor (**), R. Benard (**), J. Tisseau (**), Université Européenne de Bretagne, Université de Brest (*) – Ecole Nationale d’Ingénieurs de Brest (**), Laboratoire d'Informatique & des Systèmes Complexes  - EA 3883, Centre Européen de Réalité Virtuelle

    Cognition et formation en sport de performance : de nouveaux cadres de pensée pour comprendre l’activité et la formation des cadres de haut niveau ? Sylvie Pérez, Unité Etudes, Ingénierie  et Innovation, Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance (INSEP)

    suite dans le document colonne de gauche